Gameh, la ville de pierre
« La ville de pierre », étagère Mythes et légendes
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La cité aux mille merveilles
Il existait, à une époque reculée, une cité, placée à flanc de colline et faisant face à la mer, réputée comme le joyau de la création humaine dans toute les contrées voisines. Cette cité, nommée Gameh, a disparu aujourd’hui, mais on trouve plusieurs écrits flattant sa beauté et l’avance technologique qu’elle arborait.
Selon ceux-ci, chaque bâtiment était une oeuvre d’art, les structures venant s’enchasser en arabesques impressionnantes semblant défier la gravité à tout instant, le tout construit avec des matériaux en tous genres, des plus classiques comme la pierre et le bois aux plus inattendus comme l’eau et la glace.
Le peuple habitant Gameh était celui des Sitenas, un peuple fier mais pacifique. Ils avaient construit leur puissance en se basant sur le commerce et leurs relations avec les peuples voisins, personne ne souhaitant les attaquer de peur de perdre des partenaires si précieux. Les Sitenas comptaient parmis eux les plus grands inventeurs de l’époque, et avaient une connaissance avancée du fonctionnement de notre monde et de l’éther, ce qui les propulsait loin devant le reste de l’humanité en terme de technologie.
La cité de Gameh a aujourd’hui disparu presque entièrement, des amas de roches ressemblant plus ou moins à des restes de bâtiments sont la seule empreinte témoignant de son emplacement. L’hypothèse partagée par la majorité des historiens est qu’un peuple belliqueux est finalement arrivé dans la région et a attaqué la cité aux défenses moindres, la rasant presque entièrement. Les habitants des environs ont cependant une légende expliquant cette disparition soudaine, de même que les tremblements de terre légers et sporadiques auxquels est sujette la région.
L’orgueil d’un peuple
Le peuple des Sitenas se développait toujours plus avec le temps, le niveau de confort augmentant en ne laissant personne derrière, et avec lui la durée de vie des habitants s’allongeait toujours plus. Cela en arriva au point où les Sitenas pouvaient presque toucher l’immortalité du bout des doigts, les maladies n’étant plus un problème depuis longtemps et l’opulence ayant apaisé les esprits les plus belliqueux. Ils en étaient tellement proches que les peuplades alentours commençaient doucement mais sûrement à les adorer comme des divinités, les appelant "le peuple céleste" et leur attribuant la création du monde.
Tout cela remonta jusqu’aux oreilles des véritables dieux de notre monde, et les mit immédiatement dans une rage folle. Ces vulgaires mortels tentaient de prendre ce qui était leur droit imprescriptible, essayaient de se mesurer à la puissance de leurs créateurs.
La grande assemblée des dieux descendit alors sur Aestantine et dans la cité de Gameh pour confronter les habitants et leurs soit-disant prouesses. Leur fureur redoubla de voir que la cité était digne de leurs résidences divines, et que les Sitenas auraient presque pu être comparés à certaines divinités. Alors, de rage, ils maudirent la cité entière et ses habitants, clamant d’une voix commune et caverneuse:
« Puisque vous désirez tant l’immortalité, nous vous accordons l’éternité dans la pierre ! Et pour avoir usurpé le nom de peuple du ciel, vous vivrez cette éternité dans les entrailles de la terre ! »
Sur ces mots, chaque Sitena vit sa peau changer lentement de chair en pierre, et, dans un grand fracas assourdissant, la cité et une portion de la colline sur laquelle elle se trouvait s’enfonça dans la terre, parsemant le sol de secousses violentes. La cité fini sa course plusieurs centaines de mètres dans le sol, un dôme de pierre et de terre la séparant à présent de la surface. Les Sitenas étaient désespérés, pleurant, suppliant et priant les dieux de revenir sur leur décision. Les dieux firent tous la sourde oreille, jugeant la punition adaptée, et s’en furent dans leurs résidences divines.
Tous, excepté une déesse, qui prit ces créatures en pitié. Ses pouvoirs étaient néanmoins restreints comparés à ceux de tous ses semblables réunis. Aussi, elle ne fut capable de leur octroyer qu’une semaine à la surface tous les cents ans, où ils retrouveraient leur corps de chair. Cependant, s’ils ne retournaient pas à la cité d’ici à la fin de la semaine leur étant accordée, leur corps de pierre se figerait et ils seraient condamnés à vivre leur éternité en tant que statue, ne pouvant rien faire sinon observer le temps passer autour d’eux.
Les Sitenas n’eurent pas d’autre choix que d’accepter cette destinée, et vivent en êtres de pierre sous terre, attendant la prochaine sortie leur étant accordée.
Le peuple des noyés
Lors d’une des rares semaines de vie à l’air libre des Sitenas, un groupe de pillards arriva par la mer et attaqua la cité presque sans défense. Les Sitenas réussirent à repousser ces attaquants, mais pas sans subir des pertes de leur côté: aucun habitant n’avait été tué de par leur immortalité, mais une vingtaine d’entre eux avaient été emportés par les pillards. Les Sitenas n’avaient pas vécu une telle tragédie depuis leur condamnation par les dieux, et, sachant ce qui attendait leurs semblables d’ici à la fin de la semaine, les pleurèrent et organisèrent une cérémonie d’adieux de la même manière qu’ils l’auraient fait s’il étaient morts.
Les Sitenas qui avaient été enlevés par les pillards avaient eux aussi bien trop conscience de leur destin, et s’étaient enfermés dans un mutisme résigné. La fin de la semaine arrivant, la pierre commença lentement à remplacer leur chair, commençant par le bout de leurs doigts et leurs pieds pour lentement remonter le long de leurs membres. Les pillards ne se rendirent d’abord compte de rien, mais dès qu’ils virent les tâches noires rongeant lentement leurs prisonniers, ils pensèrent immédiatement qu’une maladie inconnue et potentiellement contagieuse avait frappé les Sitenas. Ne voulant surtout pas être contaminés par ce mal inconnu, ils lancèrent chacun de leurs prisonniers par dessus bord, entreprise qui se montra plus compliquée que prévue comme les Sitenas étaient étrangement devenus infiniment plus lourds avec leur “maladie”.
Chacun des Sitenas finit donc sa transformation sous l’eau, les bras tendus vers la surface, abandonné à voir le temps passer avec les poissons pour seule compagnie. Ces pauvres prisonniers formeraient ainsi le peuple des noyés qu’on peut voir près des côtes des Trois Venhua selon cette légende, toujours conscients mais figés dans la pierre.