« [Des pas résonnent, d’un son presque métallique. Il fait sombre, peut-être trop. L’ambiance est lourde, le silence pesant.]

Cet endroit est surprenant, vraiment. Qui aurait cru une créature si pitoyable capable de réaliser une telle chose.. ?

C’est répugnant.

Ô mon cher et tendre, tu es tombé bien bas.. Mais je t’ai retrouvé. Enfin.

Piégé entre ces murs que même la Radiance de ton corps ne saurait éclairer.. Je m’en suis toujours voulue, tu sais ?

Bien-sûr que non, tu ne sais pas.. Trop aveuglé par autre chose, sans doutes.

Moi, je ne t’en veux pas. Mais peut-être devrais-je ? Je ne sais pas.

[Les pas s'éloignent, lentement. Finalement, le silence l'emporte. Vous voilà plongé dans le noir, à nouveau.] »

- Des pas dans les méandres

« La Bête ronronne. Elle se frotte à la main de la jeune femme, appuyant dessus comme pour quémander plus. Ses yeux la fixent, dans l'attente, tandis que sa maîtresse caresse son pelage.

« Je n'ai pas ma place avec eux. J'ai mis du temps à le comprendre. Elle, elle le comprenait, très tôt, pourtant. Toi aussi, tu le comprends. Oh, oui ma belle, tu me comprends.

Regarde... Regarde comme ils m'observent, me dévisagent. Regarde ce que le monde autour de toi pense de nous, comment ils nous traitent. Tu es une bête sauvage, à leurs yeux. Moi aussi, j'en suis une. Mais ils ont tort, et tu le sais. Tu le sais, au fond de toi. Alors je vais me contenter d'être Froide avec eux. Les ignorer. Les laisser faire, les laisser médire. Parce qu'ils sont fermés d'esprits, et qu'ils ont peur. Ils ont peur de nous.
Sommes-nous des bêtes de foire, ma belle ? Peut-être en sommes-nous. Mais nous sommes en vie. Et ce soir, eux ne le seront plus.

Allons-y, ma belle. »

Les quatre yeux de l'aberrations s'ouvrent finalement, sa gueule aux lames de rasoir laissant échapper un grognement rauque tandis que deux ailes déchiquetées sortent lentement de son pelage blanc. »

Scène dans un camp quelconque, à flanc de montagne, aucun témoin.

« Chaque petit cristal est un embranchement. Une fourche entre deux futurs possibles, extrêmement similaires mais cependant différents. N'y changent qu'un seul événement, un tout petit événement. Et chacun de nous peut modifier cet événement, décider de s'il aura lieu ou non. Peut-être aurais-je pu devenir riche sur un coup de chance ? L'un d'eux m'en aura empêché. Un projectile perdu m'est passé au-dessus ? Dans les miettes d'un impact, il me touchait en plein cœur.

Je ne sais quoi penser de tout ça, s'il y a une morale ou une justice à l'utilisation de ces choses. Mais je sais que peu importe la douleur qui est celle de se crever un œil à chaque lecture, de sentir les débris du verre dans mon orbite ensanglantée, je continuerai de chercher les impacts. Parce que cette sensation de contrôle est inégalée, et que même le pouvoir du Seigneur Unique ne peut rivaliser avec le contrôle du Temps.

Je continuerai, ainsi. À changer les bousculades en agressions ou à perdre les insultes dans le vent; à me délecter de voir un enfant pleurer sa friandise tombée au sol ou à me réjouir qu'il en ait trouvé une autre. Je suis un fabriquant du Destin, et par ma main et celle de beaucoup d'autres, nous forgerons ce monde comme nous l'entendons. Par ces actes, nous nous assurerons que toujours ce monde restera entre les mains chaotiques des hommes, et jamais ne sera dicté par une quelconque divinité. »

Sidiane Arqueloge, « De la défense de l'Art des Impacts », archives de l'Écrin

« Il y a du bruit à l'exterieur. Je l'entend fort, des gens qui courent, d'autres qui crient. Tout le quartier n'est concentré que sur la nouvelle exhalation de Madrem, qui habite deux rues plus loin. C'est le fils du consul Grainecadre, donc on le connaît un peu, mais sans plus.

Il se dégage quelque-chose de différent de lui. Quelque-chose de mauvais, qui met tout le voisinage sans dessus dessous. Mais il n'aurait pas fait ça, si ? Quand on a une bonne place dans la société, on ne se sublime pas. On ne devient pas une... une Noirceur ? Je crois que c'est ce qu'il est. Il y a quelque-chose à côté de lui, un objet qui dégage une forte aura. Mais c'est à des dizaines de mètres, impossible d'en savoir plus.

Un grand bruit. Et puis, des cris. Il manque du monde, des exhalations ont disparu. Je ne sais pas qui, pas encore, tout est trop en effervescence, impossible de se concentrer. Qu'est-ce qu'il a fait ? Son exhalation disparaît aussi, les Emphases ont du faire leur travail. C'est rassurant mais... est-ce qu'il ne serait pas trop tard ? Me voici dehors, devant le spectacle. Plus tard, on l'appellera la Cicatrice.

La Cicatrice d'Earghan, c'est un joli nom, pour un couloir de destruction de 20m de large barrant la cité comme une balafre. Quoi que le jeune Grainecadre ait fait, ça a tiré une sorte de rayon de la mort, et rasé tout dans son sillage. Je ne sais même pas jusqu'où ça s'étend. Pourquoi a-t'il fait ça ? J'ai bien mon idée, mais je ne suis sûre de rien. »

Journal intîme de Fière Harpefeu, archives d'Earghan, Palais aux mille lumières

« Les modifications corporelles évoluent. Les disques marquent leurs propriétaires, petit à petit, et les effets deviennent plus permanents. C'est fascinant. Les archimages travaillent toujours sur les études, et malgré les quelques pertes humaines des volontaires envoyés par votre Sœur, il n'y a que peu d'accidents.

Le corps semble s'adapter progressivement, et l'ampleur des changements biologiques augmente d'injection en injection. La classification en paliers avance bien, notre étude porte ses fruits. Néanmoins, je me permet de préconiser - avec l'appui du Maître Failleverre qui dirige les opérations et de messire Dunetrempe, chef du groupe d'archimages - de ne pas dévoiler cela au peuple.

Les modifications des hauts paliers sont massives, et dangereuses. Pas pour leur porteur, mais pour les autres. Notre armement à éther actuel a un retard trop important sur ces mutations, et cela pourrait avoir de lourds impacts que de donner telle technologie à un si grand nombre. Nous n'avons besoin que de votre accord pour brider les disques, et supprimer cette possibilité d'évolution jusqu'à une future décision.

Mes salutations à Naali,
Uvéo »

Uvéo Idiat, « Rapport pour Lydène Soufflecendre » daté d'il y a 450 ans